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Des cierges brûlaient près du lit, éclairant d’une clarté douce le visage du mort, très calme, très blanc, les yeux clos, comme s’il dormait. Il n’était point changé, amaigri seulement, épuré dans le coup de foudre qui l’avait emporté. Les deux mains jointes tenaient un crucifix. Des fleurs, des roses, semées sur le drap, lui faisaient une couche de printemps. L’odeur, mêlée à celle de la cire chaude, en était un peu suffocante, au milieu du grand silence qui tombait de toute cette tragique immobilité. Et, dans les demi-ténèbres, où seul le lit se voyait, pas un souffle n’agitait la haute flamme droite des cierges.

Lorsque Mathieu et Marianne furent entrés, ils aperçurent près de la porte, derrière un paravent, leur belle-fille Charlotte, qui, assise, éclairée par une petite lampe, un carton sur les genoux, prenait un dessin de la tête du mort, parmi les roses. Elle avait cédé au désir éperdu de la mère, malgré l’angoisse d’une telle œuvre pour son cœur de vingt ans. Depuis trois heures, elle était là, s’appliquant, voulant bien faire, très pâle, d’une beauté de jeunesse extraordinaire, avec son visage en fleur, ses yeux bleus élargis, dans l’or fin de ses cheveux. Quand Mathieu et Marianne s’approchèrent, elle ne voulut pas leur parler, elle n’eut qu’un léger signe de tête. Mais un peu de sang était remonté à ses joues, ses yeux sourirent, et lorsqu’ils retournèrent sans bruit dans le salon, après être demeurés là un instant, en une contemplation douloureuse, elle continua son travail, seule en face du mort, parmi les roses et parmi les cierges.

Dans le salon, Morange allait et venait toujours, de son air d’ombre égarée. Mathieu resta debout, pendant que Marianne, à qui son état ne permettait pas les longues fatigues, s’asseyait près de la porte. Il n’y eut plus une parole échangée, l’attente lourde continua, sous le silence étouffant de ces pièces closes, envahies d’ombre. Au bout d’une dizaine de minutes, une nouvelle visite se