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parlons pas de ça, puisqu’on est tout au bonheur, ce matin. »

À Paris, au sortir de la gare du Nord, les Lepailleur furent pris, emportés, dans le flot brutal de la foule, et s’y noyèrent.

Quand le fiacre s’arrêta, quai d’Orsay, devant l’hôtel des Beauchêne, Mathieu et Marianne reconnurent, au bord du trottoir, le coupé des Séguin. Ils y virent, muettes, immobiles derrière les glaces, les deux filles, Lucie et Andrée, en toilettes claires, qui attendaient. Et, comme ils s’approchaient de la porte, ils virent en sortir Valentine, dans son éternel coup de vent, l’air très pressé. Mais, lorsqu’elle les aperçut, elle prit un air de pitié profonde, elle dit le mot de la situation :

« Hein ? quel affreux malheur, un fils unique ! »

Puis, elle eut un flot de paroles.

« Vous accourez, comme moi, c’est bien naturel… Imaginez-vous que j’ai su la catastrophe par hasard, il n’y a pas une heure ; et, voyez ma chance, mes filles étaient habillées, je m’habillais moi-même pour les mener à une messe de mariage, une cousine de notre ami Santerre qui épouse un diplomate. Ajoutez que tout mon après-midi est pris. Alors, bien que la messe fût pour onze heures et quart, je n’ai pas hésité, je me suis fait conduire ici, avant de me rendre à l’église ; et, naturellement, je suis montée seule, mes filles m’attendent, là, dans la voiture. Nous serons un peu en retard, à ce mariage… Vous allez les voir, ces pauvres parents, dans leur maison vide, près du corps qu’ils ont très bien arrangé, sur le lit. Ça fend le cœur. »

Mathieu la regardait, surpris de constater qu’elle ne vieillissait plus, comme séchée à la flamme de sa vie folle. Il savait la désorganisation dernière du ménage, par ses continuels rapports d’affaires. Ouvertement désormais, Séguin vivait chez Nora, l’ancienne institutrice,