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bon restaurant… Ah ! je suis contente, le voilà donc qui part !

— Et il arrivera peut-être ministre, dit Mathieu souriant. Qui sait ? Tout est possible. »

C’était l’exode des campagnes vers les villes, la fiévreuse impatience d’une fortune rapide, les parents eux-mêmes fêtant le départ, accompagnant le transfuge, dans la hâte orgueilleuse de monter avec lui d’une classe. Et ce qui faisait sourire le fermier de Chantebled, de bourgeois redevenu paysan, c’était aussi l’idée de ce chassé-croisé, le fils du moulin allant à Paris, tandis que lui était retourné à la terre, à la commune mère de toute force et de toute régénération.

Antonin s’était mis à rire également, de son air de fainéant malin, que la libre noce de Paris attirait surtout.

« Oh ! ministre, je n’en ai guère le goût. Ça donne trop de peine… J’aimerais mieux gagner tout de suite un million, pour me reposer ensuite. »

Les Lepailleur s’égayèrent bruyamment, émerveillés de tant d’esprit. Oh ! le garçon irait loin, c’était bien sûr !

Marianne, silencieuse, le cœur gros du deuil qui l’attendait, voulut pourtant dire un mot ; et elle demanda pourquoi la petite Thérèse n’était pas de la fête. Sèchement, Lepailleur répondit qu’il n’allait point s’embarrasser d’une mioche de six ans, qui ne savait pas encore se conduire. En voilà une, par exemple, qui aurait mieux fait de rester où elle était, car elle avait tout dérangé dans la maison ! Et, comme Marianne se récriait, disant qu’elle avait rarement vu une fillette si intelligente et si jolie, Mme Lepailleur répondit plus doucement :

« C’est bien vrai qu’elle est futée, mais tout de même, les filles, ça ne peut pas s’envoyer à Paris, faudra la caser, et c’est bien du souci, bien de l’argent… Enfin, ne