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de la ferme, Marianne, très pâle, bouleversée, appela Mathieu.

« Maurice est mort !… Mon Dieu ! ce fils unique, les pauvres gens ! »

Ils en restèrent éperdus, glacés d’un frisson. À peine avaient-ils su la maladie, qu’ils ne croyaient même pas grave.

« Je vais m’habiller, dit Mathieu, et je prendrai le train de dix heures un quart. Il faut aller les embrasser. »

Marianne, bien qu’elle fût alors grosse de huit mois, décida qu’elle irait aussi. Elle aurait souffert de ne pouvoir donner cette preuve d’affection à ses cousins, qui s’étaient montrés, en somme, très bons pour le jeune ménage de Blaise. Puis, elle avait vraiment le cœur déchiré d’une telle catastrophe. Et tous deux, s’étant attardés à distribuer le travail du jour, n’arrivèrent à la gare de Janville que pour prendre, en hâte, le train de dix heures un quart. Le train roulait déjà, lorsqu’ils reconnurent les Lepailleur et leur fils Antonin, installés dans le compartiment qu’ils venaient d’envahir.

En les voyant partir ensemble, en cérémonie, le meunier crut qu’ils allaient à la noce ; et, quand il sut que c’était à une visite de deuil :

« Alors, c’est le contraire, dit-il. N’importe, ça fait sortir, ça distrait. »

Depuis la victoire de Mathieu, le vaste domaine entièrement conquis, fertilisé, Lepailleur traitait ce bourgeois avec quelque considération. Mais, tout en ne pouvant nier les résultats obtenus, il ne se rendait pas, il continuait à ricaner sournoisement, ayant l’air d’attendre quelque cataclysme de la terre ou du ciel qui lui donnerait raison. Il ne voulait pas avoir eu tort, il répétait qu’il savait ce qu’il savait, et qu’on verrait bien un jour si le métier de paysan n’était pas le dernier des métiers, depuis la faillite de cette sale gredine de terre où rien