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d’abîmer une femme comme ça, lorsqu’elle a un mari et des enfants, surtout lorsqu’elle ne peut pas vivre de ses rentes… Vous savez ce qu’ils ont fait de Cécile. Et il y en a une autre aussi qu’ils ont bien arrangée, une baronne que vous devez connaître. Elle s’est présentée ici, l’autre jour, pour voir. Je ne la reconnaissais pas, une si belle femme, ah ! l’horreur, elle a cent ans… Moi, je dis qu’on devrait les condamner à de la prison, pour le mal qu’ils nous ont fait. »

Puis, quand il voulut s’asseoir devant la table, il buta lui aussi contre la chaise d’Euphrasie, qui le suivait des yeux, toujours inquiète, en son hébétement.

« Te voilà encore dans mes jambes ! Comment fais-tu pour qu’on ne rencontre que toi ?… Voyons, débarrasse un peu le plancher. »

Il n’était pas bien terrible. Mais elle se mit à trembler, prise d’une peur enfantine, ainsi que sous une menace de coups affreux qui l’aurait brisée. Cette fois, elle eut la force de traîner sa chaise jusqu’au cabinet noir où elle couchait. La porte en était ouverte, elle s’y réfugia, elle s’assit dans l’ombre, on ne la vit plus que comme une petite figure vague, amincie, fondue, une très vieille aïeule qui mettrait encore des années et des années à mourir.

Et ce fut, pour Mathieu, le grand serrement de cœur, cette terreur sénile, cette obéissance grelottante d’une femme dont il se rappelait l’exécrable caractère, rageuse, sèche et dure, toujours en querelle avec sa sœur aînée autrefois, avec son mari ensuite. Elle avait longtemps terrorisé ce dernier, les ongles dehors, le pliant à chacun de ses caprices. Maintenant, c’était elle qui frissonnait au moindre mot de mauvaise humeur. La femme, la créature de volonté, de travail, de vie, s’en était allée avec la fonction de l’épouse et de la mère. Le sexe supprimé, il n’y avait plus que cette loque. Et dire que