dessinateur en chef de l’usine, elle ne parut même pas le reconnaître, elle ne s’intéressait plus à rien. Et, comme sa sœur disait ensuite l’objet de sa visite, réclamait le travail qu’elle lui avait confié, elle répondit avec un geste d’immense fatigue :
« Ah ! que veux-tu ? c’est trop long à coller, tous ces petits morceaux de carton. Je ne peux plus, ça me met en sueur. »
Alors, une grosse femme qui était là et qui s’occupait à faire goûter les trois enfants, en leur distribuant des tartines, intervint d’un air de tranquille autorité.
« Vous devriez bien le remporter, ce travail, mademoiselle Cécile. Elle est incapable de s’en tirer. Il finira par se salir, et l’on ne voudra plus le reprendre. »
C’était Mme Joseph, une veuve de quarante ans, qui faisait des ménages, dans le quartier, et qu’Auguste Bénard, le mari, avait priée de venir, d’abord deux heures le matin, pour soigner la maison, lorsque sa femme n’avait plus eu la force de chausser un enfant, de mettre la soupe au feu, ni même de donner un coup de balai. Les premiers jours, elle s’était furieusement opposée à cette entrée chez elle d’une étrangère, elle luttait, s’exaspérait, malade de sa manie de propreté qu’elle ne contentait plus. Puis, à mesure que sa déchéance physique s’était aggravée, il lui avait bien fallu tolérer que l’étrangère prît peu à peu sa place. Et, naturellement, comme il arrive dans les ménages pauvres où les besoins se satisfont au plus court, Mme Joseph n’avait pas tardé à la lui prendre toute, sa place, auprès des enfants, auprès de l’homme lui-même. L’infirme, après une excitation passagère, était tombée à ce point de détresse de ne plus pouvoir être une épouse pour son mari, malgré l’affreuse jalousie qui survivait à son impuissance. Une autre femme se trouvait là, Bénard s’en était servi, simplement, en gros garçon incapable de jeûner, sans