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la maternité éveillée, enfin, s’épanouissait chez elle en une floraison d’amour.

« Si vous voulez le tuer, répéta Mathieu, vous n’avez qu’a l’enlever de là. Voyez donc comme il s’en donne, le cher petit ! »

En effet, il tétait de tout son cœur. Et elle éclata en gros sanglots.

« Mon Dieu ! voilà que vous recommencez à me torturer.. Croyez-vous que ce soit avec plaisir que je vais m’en débarrasser maintenant ? Vous me forcez à vous dire des choses qui me font pleurer la nuit, lorsque j’y pense. Je n’ai jamais été mauvaise, vous le savez, n’est-ce pas ? Quand on va venir me le prendre, cet enfant, je sens bien qu’on m’arrachera les entrailles… Là, êtes-vous contents tous les deux, que je vous dise ça ? Vous êtes bien avancés de me mettre dans un état pareil, puisque personne n’y peut rien et qu’il faut qu’il aille à la borne, pendant que, moi, je retournerai au tas, pour le coup de balai qui m’attend ! »

Pleurante elle aussi, Cécile l’embrassa, baisa l’enfant, en reprenant son rêve, en expliquant tout au long combien ils seraient heureux à trois, dans une jolie chambre, qu’elle voyait pleine de joies sans fin, comme un paradis. Les petites boîtes n’étaient pas difficiles à découper, à coller. Quand Norine saurait, elle qui était forte, gagnerait peut-être trois francs. Cinq francs à elles deux n’était-ce pas la fortune, l’enfant élevé, toutes les vilaines choses finies, oubliées ? Et Norine, de plus en plus lasse, se laissait vaincre, cessait de dire non.

« Vous m’étourdissez, je ne sais plus, faites comme il vous plaira… Ah ! bien sûr que ce sera un très grand bonheur pour moi que de le garder, ce cher petit ! »

Ravie, Cécile battit des mains, tandis que Mathieu, très ému disait simplement ce mot profond :

« Vous l’avez sauvé, et il vous sauve. »