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fonction supprimée, il semblait que l’instinct de la maternité se fût exaspérée chez elle.

« Quel malheur qu’elle s’obstine à s’en débarrasser, comme des deux autres ! Pourtant, cette fois, il criait si fort, qu’elle lui a donné le sein. Mais c’est en attendant, elle dit qu’elle ne veut pas le voir crever de faim près d’elle… Ça me retourne, moi, cette abomination, qu’on puisse avoir un enfant sans le garder. Alors, j’avais fait le rêve d’arranger très bien les choses. Vous savez que je veux partir de chez mes parents. Je louais donc une chambre assez grande, je prenais ma sœur et son garçon, je lui montrais à découper, à coller mes petites boîtes, et nous vivions tous les trois parfaitement heureux… C’est là qu’on aurait fait du beau travail, dans la joie d’être libre, de n’être plus forcée à des choses qui vous dégoûtent !

— Et elle n’a pas voulu ? demanda Mathieu.

— Elle m’a dit que j’étais folle, et c’est un peu vrai, puisque je n’ai pas le premier sou pour louer la chambre. Ah ! si vous saviez comme j’en ai le cœur gros ! »

Mathieu, qui cachait son émotion, reprit de son air tranquille :

« Une chambre, ça se loue. Vous trouveriez un ami qui vous aiderait. Seulement, je doute fort que vous décidiez jamais votre sœur à garder son enfant, car je crois connaître ses idées sur ce point. Il faudrait un miracle. »

Cécile, vivement, avec son intelligence éveillée, le regardait. C’était lui, l’ami. Mon Dieu ! son rêve se réaliserait-il ? Et elle finit par dire bravement :

« Écoutez, monsieur, vous êtes si bon pour nous, que vous devriez me faire une grande grâce. Ce serait de venir tout de suite voir Norine avec moi. Vous seul pouvez lui parler et la décider peut-être… Allons doucement, j’étouffe, tant je suis contente ! »