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rescence physique et morale où le jetait l’abus des filles, vues en fraude, avait son terrible contrecoup à l’usine, qui périclitait. L’ancien grand travailleur, le patron d’énergie et de résistance s’empâtait, perdait le flair des opérations heureuses, ne trouvait plus la force des vastes entreprises. Il s’oubliait au lit le matin, restait des trois et quatre jours sans faire le tour des ateliers, laissait le désordre, le gaspillage grandir, à ce point que les inventaires, si triomphants jadis, accusaient d’année en année, des défaites qui s’aggravaient. Et quelle fin, pour cet égoïste, ce jouisseur, d’activité si gaie, si bruyante, qui avait toujours professé que l’argent, le capital décuplé grâce au travail des autres, était l’unique puissance désirable, et que trop d’argent, trop de jouissance, par une juste ironie, jetait à une ruine lente, à la paralysie dernière des impuissants !

Une suprême blessure devait frapper Constance, lui donner l’horreur sourde de son mari. Des lettres anonymes, de basses vengeances de domestiques congédiés, lui apprirent les amours de Beauchêne avec Norine, cette ouvrière de la fabrique, devenue grosse de ses œuvres, accouchée clandestinement d’un garçon, qu’on avait fait disparaître. Et, après dix ans, elle ne pouvait, aujourd’hui encore, songer à cette sale aventure, sans une révolte de tout son être. Sans doute, cet enfant, elle n’aurait pas voulu qu’il le lui fît ; mais quelle honte, quelle ordure, qu’il fût allé le faire à cette fille ! Où l’avait-on jeté ? Vivait-il ? Au fond de quelle ignominie ? Elle restait bouleversée de cette maternité de débauche et de raccroc, cette maternité qu’il lui avait volée, dont elle était surprise de sentir le cuisant regret, puisqu’elle l’avait refusée d’une volonté si têtue. Il semblait que la mère, en elle, à mesure qu’elle s’était détachée de lui, par dégoût, avait grandi, avec des tendresses jalouses, toute cette flamme de dévouement, d’abnégation, de