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et qui en désire un, oh ! de toutes ses forces. Mon pauvre mari m’aime toujours, mais je vois bien qu’il est convaincu que c’est de ma faute, et cela me fend le cœur, j’en sanglote seule des heures entières. Ma faute ! est-ce qu’on osera jamais affirmer de qui c’est la faute, de la femme ou de l’homme ? Mais je ne lui dis pas ça, il en deviendrait fou. Et, si vous nous voyiez tous les deux, dans notre maison vide, si abandonnés, surtout depuis que ses mauvais yeux le rendent morose ! Ah ! nous donnerions notre sang, pour qu’un enfant fût là, à faire du tapage, à nous tenir le cœur chaud, maintenant que la vie se glace en nous, autour de nous ! »

Constance, très surprise ; la regardait.

« Comment ! ma chère, vous ne pouvez pas avoir un enfant, à trente-six ans à peine ? J’ai toujours cru, moi, que si l’on en voulait un, on en faisait un, lorsqu’on était bien portante et solide comme vous… D’ailleurs, ça se soigne, il y a continuellement des annonces dans les journaux. » Un nouveau flot de larmes suffoqua Mme Angelin.

« Vous me forcez à tout dire… Hélas ! ma pauvre amie, je me fais soigner depuis trois ans, voici plus de six mois que je suis entre les mains d’une sage-femme de la rue de Miromesnil, et, si vous me voyez si souvent, l’été, c’est que je viens à sa consultation. Ce sont toujours de belles promesses, mais rien n’arrive… Aujourd’hui, elle a été plus franche, elle a paru se décourager, voilà pourquoi je n’ai pu retenir mes larmes, tout à l’heure. Excusez-moi. »

Puis, les mains jointes, dans une exaltation ardente, éloquente :

« Mon Dieu ! mon Dieu ! dire qu’il y a des femmes si heureuses, des femmes qui ont des enfants tant qu’elles veulent, tenez ! votre cousine, Mme Froment, par exemple ! L’a-t-on assez plaisantée, assez blâmée,