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riches, daignaient les visiter parfois, l’air ravi de cette grande ferme remuante, vivante, toute sonnante de prospérité. Et ce fut dans une de ces visites que Constance retrouva Mme Angelin, son ancienne amie de pension, qu’elle n’avait jamais d’ailleurs perdue de vue complètement. Le jeune ménage qui, dix ans plus tôt, était venu promener, par les sentiers déserts de Janville, ses amours joueuses, échangeant des baisers goulus derrière chaque haie, avait fini par acquérir une petite maison, au bout du village, où, chaque année, il passait les beaux jours. Mais ce n’était plus la tendre insouciance d’autrefois, Mme Angelin allait avoir trente six ans ; et, depuis six ans qu’elle et son mari tenaient leur ancienne parole de cesser d’être des amants fraudeurs à la trentaine, depuis six ans qu’ils se conduisaient en époux sérieux, attendant l’enfant qu’ils s’étaient promis, l’enfant ne naissait toujours pas. Ils avaient beau le vouloir de toute la passion qu’ils gardaient l’un pour l’autre, leurs étreintes restaient infécondes, comme frappées de stérilité par le long égoïsme de leur plaisir. Et la maison tombait à une tristesse croissante : lui le beau mousquetaire, grisonnant déjà, perdant la vue, désespéré de voir à peine assez clair pour peindre ses éventails ; elle aux rires si gais, prise de peur devant cette cécité menaçante, glacée de l’ombre et du silence qui envahissaient leur foyer peu à peu refroidi.

Maintenant qu’elles avaient renoué, Mme Angelin, lorsqu’elle venait à Paris pour des courses, allait parfois demander à Constance une tasse de thé, vers quatre heures, avant de reprendre son train. Un jour, comme elles étaient seules, elle éclata en gros sanglots, elle lui confia toute l’angoisse de sa misère.

« Ah ! ma chère, vous ne saurez jamais ce que nous souffrons. Quand on a un enfant, on ne s’imagine pas à quel chagrin en arrive un ménage, qui n’en peut avoir,