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vous annonçais tout à l’heure ?… Une société à l’agonie, dans sa haine de la vie normale et saine ! Tous les déchets, la fortune diminuée, gâchée jour à jour, la famille limitée, souillée, détruite ! Les pires abominations hâtant la décomposition finale, les filles de douze ans mystiques, hystériques, jetées avant l’âge au dégoût de toute fécondité, aspirant à la mort charnelle du couvent !… Ah ! nous allons bien, ces malheureux-là veulent décidément la fin du monde ! »

À Chantebled, Mathieu et Marianne fondaient, créaient, enfantaient. Et, pendant les deux années qui se passèrent, ils furent de nouveau victorieux dans l’éternel combat de la vie contre la mort, par cet accroissement continu de famille et de terre fertile qui était comme leur existence même, leur joie et leur force. Le désir passait en coups de flamme, le divin désir les fécondait, grâce à leur puissance d’aimer, d’être bons, d’être sains ; et leur énergie faisait le reste, la volonté de l’action, la tranquille bravoure au travail nécessaire, fabricateur et régulateur du monde. Mais durant ces deux années, ce ne fut pas sans une lutte constante que la victoire leur resta. À mesure que le domaine s’agrandissait, le roulement de fonds était plus considérable, aggravait les tracas. Les dettes du début venaient pourtant d’être payées, on put dès lors renoncer au système onéreux d’association et de prêt remboursable sur les gains, qu’il avait fallu accepter d’abord. Il n’y eut plus qu’un chef, qu’un patriarche, dont la pensée était de fonder sa famille sur le domaine même, de n’avoir d’autres aides, d’autres associés que ses enfants. C’était pour chacun d’eux qu’il conquérait un champ nouveau, il donnait une patrie à son petit peuple. Plus tard les racines, tout ce qui attache et nourrit serait là, même si plusieurs se dispersaient, allaient par le monde, aux diverses situations sociales. Aussi, cette fois, quelle décisive expansion, ce dernier lot des marais qui permettait