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nouveau, elle ne cessa plus. Et dans son entêtement à ne pas se lever, à ne pas permettre désormais qu’on pût voir la peau de ses mains, il y avait une volonté de s’ensevelir, de mourir au monde, avec toute sa personne charnelle en haine de la sensation physique. Elle aurait voulu qu’on fermât les rideaux, pour ne plus être baignée de la lumière du jour. Elle aurait voulu être seule à jamais, sans la chaleur voisine d’un autre être, dans le néant d’une tombe, pour échapper à son horreur de vivre, d’avoir de la vie autour d’elle, en elle.

« Je veux aller au couvent ! Je veux aller au couvent ! »

Ce fut alors que Valentine, croyant qu’elle devenait tout à fait folle, envoya chercher Séguin. Et, en l’attendant, elle se remit à la sermonner, très maternelle, très digne.

« Vraiment, tu me désespères… Ce n’est pas à ton âge qu’on parle ainsi d’aller au couvent, comme si l’on ne trouvait, dans sa famille, que des sujets de tristesse et de souffrance. Je crois avoir toujours fait mon devoir, je n’ai heureusement rien à me reprocher… Certes, tu connais assez mes profonds sentiments religieux. Je t’ai assez élevée dans le respect de notre religion, pour qu’il me soit permis de te dire que tu outrages Dieu, en le mêlant à un caprice d’enfant malade… On ne va au couvent que si l’on est obéissante, et Dieu ne veut pas des filles qui offensent leurs mères, après n’avoir reçu d’elles que de bons exemples. »

Les yeux de Lucie, maintenant, s’étaient arrêtés sur ceux de sa mère ; et, à mesure que celle-ci parlait, ces pauvres yeux d’innocente, bouleversée dans sa folie de pureté divine, s’élargissaient d’effroi, exprimaient la plus atroce douleur, le respect détruit, la tendresse abolie, toute la détresse d’une petite âme enfant où croulait la piété filiale.