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père, sans se fâcher avec son mari, l’avait chassé de chez elle, et il était allé se faire tuer à Berlin, dans un tripot. Depuis lors, ravie d’être débarrassée, elle jouissait éperdument de sa liberté de jeune veuve. Elle était de tous les plaisirs, de toutes les fêtes, et l’on chuchotait bien des histoires, ses caprices d’une nuit, son insolente décision à posséder sur l’heure l’homme qui lui plaisait, son goût du libre amour contenté jusqu’à la folie extrême de la sensation ; mais, en somme, comme elle gardait les apparences et qu’elle n’affichait aucun amant, elle continuait à être reçue partout, très riche, très belle, très aimée.

— Vous êtes à la campagne, vous ? demanda-t-elle, en se tournant de nouveau vers Mathieu.

— Mais oui, depuis trois semaines.

— C’est Constance qui m’a dit ça. Je l’ai rencontrée l’autre jour, en visite, chez madame Séguin. Vous savez que nous sommes au mieux maintenant, depuis que je donne de bons conseils à mon frère.

Sa belle-sœur Constance l’exécrait, et elle en plaisantait volontiers, avec son habituelle hardiesse, qui, ouvertement, se moquait de tout.

— Imaginez-vous qu’on a causé du docteur Gaude, ce fameux chirurgien qui a un moyen radical pour empêcher les femmes de faire des enfants. J’ai cru qu’elle allait demander son adresse. Elle n’a pas osé.

Morange intervint.

— Le docteur Gaude, ah ! oui, une amie de ma femme lui en a parlé. Il parait qu’il fait des opérations extraordinaires, de vrais miracles. Il ouvre tranquillement un ventre, comme on ouvre une armoire ; il regarde dedans, enlève tout ; puis, il le referme, et la femme est guérie. C’est superbe.

Il donna d’autres détails, il parla de la clinique dont le docteur Gaude était le chef, à l’hôpital Marbeuf, une