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Puis comme Lucie était retombée dans son immobilité de mort, la mère, sur le conseil du docteur, fit venir Nora, l’institutrice, pour qu’il pût la questionner lui-même. Lorsque la grande fille blonde parut, il crut remarquer, chez l’enfant, le même frisson qu’au moment où il avait voulu la toucher, le même besoin de s’enfouir, de disparaître toute.

Questionnée, Nora, debout au pied du lit, répondit avec le tranquille sourire, l’inconsciente impudeur, dont riaient toujours ses beaux yeux de superbe créature.

« Mais je ne sais rien, monsieur. Ce n’est naturellement pas moi qui couche les enfants. Hier soir, Mlle Lucie semblait bien portante. Elle a dû se mettre au lit, comme de coutume, à l’heure habituelle, après être allée, dans le petit salon, embrasser sa mère, qui avait une visite… Moi, ainsi que tous les soirs, je ne suis entrée ensuite qu’un instant dans cette chambre, pour lui souhaiter une bonne nuit… Que voulez-vous que je vous dise ? Je ne sais rien de plus. »

En parlant, elle ne quittait pas la fillette de ses grands yeux, parfaitement à l’aise du reste, l’air à la fois provocant et certain qu’elle ne dirait rien, qu’elle ne pouvait rien dire. Une gaieté intérieure, comme au souvenir de quelque bonne histoire, finit même par monter à ses lèvres, en découvrant ses dents blanches de jeune louve. Et ce fut trop, l’enfant éclata en sanglots convulsifs dès que son pâle regard bleu, obstinément fixé au plafond s’abaissa, rencontra cet autre regard si moqueur, si brûlant, qui pesait sur elle.

« Oh ! qu’on me laisse, qu’on ne me parle pas, qu’on ne me regarde pas !… Je veux aller au couvent ! Je veux aller au couvent ! »

C’était le cri que la femme précoce en elle, restée enfant, exaspérée du dégoût de son sexe, avait déjà poussé le matin. Elle le reprit avec un emportement