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Votre bonne tenait à me mettre au salon, mais j’ai insisté, j’ai voulu entrer ici, parce que c’était un peu pressé… Je viens chercher votre délicieuse Reine, pour la mener à une matinée, au Cirque.

Ce fut une nouvelle explosion de ravissement. L’enfant restait saisie de joie, tandis que la mère exultait, se prodiguait.

— Oh ! madame la baronne, vous nous comblez, vous la gâtez, cette petite ! … C’est qu’elle n’est pas habillée et que vous aurez l’ennui de l’attendre un instant… Allons, viens vite, que je t’aide. Dix minutes, entendez-vous, rien que dix minutes !

Restée seule avec les deux hommes, Sérafine, qui avait eu un mouvement de surprise, en apercevant Mathieu, s’avança gaiement, lui serra la main, en vieille amie.

— Vous allez bien, vous ?

— Très bien.

Et, comme elle s’asseyait près de lui, il eut un petit mouvement involontaire, pour reculer sa chaise, l’air fâché de la rencontre.

Il l’avait connue intimement autrefois, lors de son entrée chez les Beauchêne. Une jouisseuse effrénée, névrosée, sans conscience ni morale. Hardie et forte, toute pour la volupté. Cela poussé dans l’activité grondante de l’usine, d’un père héros du travail, à côté d’Alexandre, son frère, un égoïste féroce, et plus tard de Marianne, sa cousine, une bonne créature de gaieté saine, de solide raison. Dès la jeunesse, elle avait eu les pires curiosités. On racontait qu’un soir de fête, âgée de quinze ans, elle s’était donnée à un inconnu. Puis, il y avait eu l’extraordinaire histoire de son mariage avec le baron de Lowicz, sa fuite aux bras de cet escroc, d’une beauté d’archange. Un an plus tard, elle accouchait d’un enfant mort, un avortement, disait-on. Jalouse de ses joies, âprement avare, elle n’avait pu hériter de son