Page:Zola - Fécondité.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme il l’interrogeait encore, s’inquiétant de Lucie, qu’il ne voyait pas là, avec Andrée et Gaston, elle finit par dire :

« Lucie est couchée.

— Comment, couchée ! Alors, c’est elle qui est malade ?

— Oh ! non, elle n’est pas malade. »

Il la regarda de nouveau, de ses yeux fins qui semblaient vouloir lui aller au fond de l’âme. Puis, il cessa de l’interroger.

« C’est bon, j’attendrai. »

Nora, enfin, quitta la place, emmena Gaston et Andrée, en les bousculant un peu, l’air gêné, irrité de ce regard d’enquête qui ne la quitta, qui ne se détacha d’elle et des deux enfants, laissés à sa garde, que lorsqu’ils eurent franchi la porte.

Boutan s’était retourné vers Mathieu. Un instant, ils restèrent ainsi face à face, en silence. Tous deux savaient, tous deux hochèrent la tête. Et le docteur parla le premier, à demi-voix :

« Hein ! que dites-vous de la demoiselle ? Moi, mon ami, elle me fait froid dans les os. Avez-vous étudié sa bouche et ses yeux, qu’elle a superbes d’ailleurs ? Jamais je n’ai vu si nettement le crime, en une telle splendeur de la chair… Espérons que je me trompe ! »

Un nouveau silence régna. Il s’était mis à faire, lui aussi, le tour de la pièce ; et, quand il revint, il eut un geste, pour en montrer l’abandon, pour dire, même au-delà des murs, la catastrophe pitoyable où menaçait de s’abîmer la maison entière.

« C’était fatal, vous en avez prévu, suivi les phases, n’est-ce pas ?… Je le sais bien, on se moque de moi, on me traite en doux maniaque, en médecin spécialiste hanté par les cas uniques qu’il soigne. Mais que voulez-vous ? si je m’entête, c’est que je suis convaincu d’avoir raison…