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Elle se nommait Nora, elle était allemande, institutrice, maîtresse de piano, et Valentine l’avait surtout prise pour veiller sur les enfants, depuis qu’elle avait dû congédier Céleste, grosse de nouveau malgré toute sa ruse, si malchanceuse cette fois, qu’ayant eu la sottise de s’oublier avec un facteur, elle n’était même pas parvenue à cacher son état. D’ailleurs, c’était Séguin, qui, après s’être montré brutal, lors du renvoi de la femme de chambre, en criant au scandale, à la démoralisation de ses deux filles, avait amené Nora, une perle qu’il volait, disait-il gaiement, à une de ses amies. Et il devint bientôt de toute évidence qu’elle était sa maîtresse ; il ne l’avait sans doute introduite chez lui que dans le but de l’y posséder à l’aise, surtout de l’y garder prisonnière, car il paraissait en être follement jaloux, d’une de ces jalousies morbides qui, aujourd’hui encore, le jetaient parfois sur sa femme, les poings levés, bien que tous rapports eussent cessé entre eux. La grande et belle fille blonde, il est vrai, semblait faite pour légitimer les pires inquiétudes, avec ses lèvres sensuelle, ses yeux d’impudeur inconsciente, toute la superbe bête qu’elle était, aux rires imbéciles et mauvais.

« Vous attendez M. Séguin, finit-elle par dire. Je sais qu’il vous a donné rendez-vous, il va rentrer sûrement. »

Mathieu, qui l’étudiait, très intéressé, voulut faire une expérience :

« Il est peut-être sorti avec Mme Séguin. Je sais qu’ils sortent souvent ensemble.

— Eux ! cria-t-elle en riant, et de la plus inconvenante façon pour une simple institutrice, vous êtes bien mal renseigné, monsieur ! Jamais ils ne vont au même endroit… Je crois bien que Madame est au sermon, à moins qu’elle ne soit ailleurs. » Et, moqueuse, effrontée, elle se remit à tourner dans