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point s’écarter de sa volonté première, celle de ne créer que par étapes, au fur et à mesure des nécessités et selon ses forces. Puis, pour l’acquisition de la totalité des landes, le long du chemin de fer, vers l’est, une difficulté s’était présentée : il y avait là, coupant ces landes en deux parts, une enclave désastreuse, quelques hectares appartenant à Lepailleur, le maître du moulin, qui n’en avait jamais tiré aucun parti. Et c’était pourquoi Mathieu, ayant à désigner un lot, venait de choisir, vers l’ouest, ce qui restait des hauts terrains vaseux, tout en ajoutant qu’il traiterait volontiers pour les landes, plus tard, lorsque le meunier aurait cédé son enclave. D’ailleurs, il se savait jalousé de celui-ci, exécré à un tel point, depuis l’incessante création du domaine, qu’il croyait ne pas devoir se charger de l’achat, certain d’échouer. Séguin se récria, prétendit qu’il saurait bien mettre l’homme à la raison, en se flattant même d’avoir l’enclave pour rien, le jour où il s’en mêlerait. Et, sans doute, ne désespérant toujours pas de se débarrasser de ce lot avec l’autre, il s’entêta, il voulut voir Lepailleur, faire marché avec lui, avant de signer l’acte de vente des hauts terrains.

Quelques semaines se passèrent. Puis, le jour où Mathieu vint à l’hôtel de l’avenue d’Antin, pour y échanger les signatures, il ne trouva pas Séguin au rendez-vous que celui-ci lui avait fixé par lettre. Un domestique, qui le laissa seul, dans la vaste salle du premier étage, lui dit que Monsieur allait sûrement rentrer, ayant donné l’ordre de faire attendre. Resté debout, le visiteur marcha, regarda, frappé de l’air de lent désastre où il trouvait cette pièce luxueuse, qu’il avait admirée jadis, avec ses riches étoffes, ses collections d’objets rares, ses étains, ses reliures. Les merveilles étaient bien encore là, mais au milieu d’un abandon qui les glapit, les ternissait, comme des fantaisies démodées, dédaignées, désormais