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— En mars dernier, j’ai rencontré par hasard Michaud, qui m’a conté tout ça et qui s’est montré très aimable. Il m’offrait de me prendre avec lui, de me pousser à mon tour. Seulement, il y a un risque à courir, il m’a expliqué que je devrais accepter d’abord trois mille six, pour monter ensuite, graduellement, à un très gros chiffre… Trois mille six ! comment vivre, en attendant, avec trois mille six, surtout aujourd’hui que cet appartement augmente nos dépenses ?

D’une voix impétueuse, Valérie prit la parole.

— Qui ne risque rien, n’a rien ! … C’est ce que je lui répète. Sans doute, je suis pour la prudence, jamais je ne le laisserai commettre quelque bêtise qui gâcherait son avenir. Mais il ne peut pourtant pas moisir dans une situation indigne de lui.

— Alors, vous êtes décidés ? demanda Mathieu.

— Mon Dieu ! reprit Morange, ma femme a fait tous les calculs, et nous sommes décidés, oui ! à moins de choses imprévues. D’ailleurs, une situation ne sera libre au Crédit National qu’en octobre… Dites donc, mon cher ami, gardez-nous bien le secret, car nous ne voulons pas en ce moment nous fâcher avec les Beauchêne.

Il regarda sa montre, très ponctuel dans sa médiocrité de bon employé, désireux de ne pas être en retard à son bureau. Et l’on pressa la bonne pour qu’elle servît le café, on le buvait brûlant, lorsqu’une visite vint bouleverser le ménage et lui faire tout oublier.

— Oh ! s’écria Valérie, en se levant précipitamment, rose d’orgueil, madame la baronne de Lowicz !

Sérafine, alors âgée de vingt-neuf ans, était une rousse, belle, grande, élégante, avec une gorge magnifique, connue de tout Paris. Ses lèvres rouges riaient d’un rire triomphant, et dans ses grands yeux bruns, pailletés d’or, brûlait une flamme inextinguible de désir.

— Mes amis, ne vous dérangez pas, je vous en supplie.