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en voyage ; et voilà qu’elle m’a menti, l’autre jour, avec cette histoire d’une invitation dans un château. Si je m’étais opposé, il y a huit ans, au coup de démence de ma pauvre Valérie, si je n’avais pas assisté, impuissant, à son assassinat, ma pauvre Reine, aujourd’hui, n’aurait pas recommencé l’horrible aventure… C’est ma faute, c’est moi, moi seul qui les ai tuées. Les chères âmes ! est-ce qu’elles savaient, est-ce que je n’étais pas là pour les aimer, pour les défendre, les conduire et les rendre heureuses ? Je les ai tuées, c’est moi l’assassin ! »

Il succombait, il mâchait ses sanglots, grelottant, envahi d’un froid de mort.

« Et, misérable imbécile, c’est parce que je les aimais trop, que je les ai tuées… Elles étaient si belles, elles avaient tant d’excuses à vouloir être riches, gaies, heureuses ! L’une après l’autre, elles m’avaient pris mon cœur, je ne vivais qu’en elles, par elles, pour elles. Quand l’une n’a plus été là, l’autre à son tour est devenue ma volonté, j’ai recommencé le rêve d’ambition que la mère avait fait, dans l’unique désir de le réaliser pour la fille, en qui revivaient toutes mes tendresses… Et je les ai tuées, c’est à ce double crime que m’a fait choir la folie de monter, de conquérir la fortune, en sacrifiant le meilleur de moi, d’abord le pauvre être qui, supprimé violemment, a emporté la mère, puis l’âme même de ma fille, gâtée par l’exemple, brûlée de la même fièvre, expirée dans le même flot de sang… Ah ! quand je songe que, ce matin encore, j’osais me dire heureux de n’avoir que cette fille, pour n’avoir qu’elle à aimer ! Quel stupide blasphème contre la vie, contre l’amour ! La voilà morte maintenant, morte après sa mère, et je suis tout seul, je n’ai plus personne à aimer, plus personne qui m’aime… Ni femme ni fille, sans un désir ni une volonté, tout seul, tout seul, à jamais ! »

C’était le cri de suprême abandon, il s’affaissait par