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que le médecin, d’abord très digne, très correct, l’excusant, finissait par se fâcher, par crier à son tour qu’on l’avait trompé, qu’il n’était pas responsable, après la comédie indigne jouée par cette jeune dame. Les paroles irréparables furent dites, il lâcha tout, la grossesse, les douleurs simulées, la situation critique où elle l’avait mis en se faisant opérer pour une tumeur, lorsqu’elle était simplement enceinte. Sans doute, il s’était mépris, mais ses maîtres eux-mêmes avaient de pareilles erreurs sur la conscience. Personne n’est infaillible, et, comme le père s’était rué, en le traitant de menteur et d’assassin, en hurlant qu’il le traînerait devant la justice, il déclara qu’il voulait bien, qu’il y raconterait toute l’histoire. Alors, défaillant, le malheureux homme chancela, tomba sur une chaise, sous les coups répétés de ces révélations ignobles. Sa fille enceinte, grand Dieu ! sa fille criminelle, complice et victime ! C’était l’écroulement du ciel, la fin du monde. Et il sanglotait, et il bégayait toujours, avec de pauvres gestes de fou qui battaient l’air, comme pour écarter tant de décombres :

« Vous êtes des assassins !… Vous êtes des assassins, tous des assassins !… Vous irez au bagne, tous, tous au bagne ! » Sérafine, qui s’était assise près de lui, voulut lui reprendre les mains, luttant de sa personne, bravement, pour le vaincre.

« Non ! vous êtes des assassins, tous des assassins !… Vous irez au bagne, la première au bagne ! »

Elle ne l’écoutait pas, lui parlait toujours, disait des choses touchantes, rappelait combien elle avait aimé la chère petite, son dévouement, son continuel désir de la rendre heureuse.

« Non, non ! c’est vous l’assassin !… Au bagne, au bagne ; tous les assassins ! »

Cependant, laissant Sérafine à son combat, Sarraille