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Mathieu montait avec eux en voiture, il pâlit davantage, il ne put retenir ce cri :

« Tiens ! vous venez aussi, pourquoi donc ?

— Non, non ! il ne vient pas, se hâta de répondre la baronne. Nous le déposerons en route, il a une course à faire par là. »

Cependant, le temps pressait, Morange s’agitait, s’affolait, en proie de plus en plus à l’envahissement de la terrible vérité. Comme le coupé filait rapidement, sur le point déjà de passer le pont, Sérafine songea qu’il allait bien s’apercevoir qu’on s’éloignait par l’avenue d’Antin, sans s’arrêter chez elle. Et elle dut commencer à lui conter une histoire, elle revint sur la maladie de Reine, elle laissa peu à peu entendre que la chère enfant devait être atteinte d’une infirmité grave, qui certainement nécessiterait une opération. Il l’écoutait, la regardait, la face torturée, les yeux troubles. Puis lorsque le coupé traversa les Champs-Élysées, il vit bien qu’on ne le menait pas chez la baronne, un grand sanglot le déchira tout entier, devant cette clarté soudaine, cette certitude que sa fille était opérée déjà, pour qu’on lui parlât ainsi d’opération. Mathieu avait pris doucement ses mains convulsives, pleurant avec lui, tandis que Sérafine commençait l’aveu, expliquait que l’opération, en effet, venait d’être faite. Si l’on s’était caché, si l’on avait imaginé ce séjour à la campagne, c’était pour lui éviter toutes sortes de tortures. Et elle osa prétendre que les choses, désormais marcheraient sans doute très bien, voulant lui donner un nouveau répit, attendant quelques tours de roues, avant de l’assommer sous le dernier coup. Pourtant, il ne se calmait pas, éperdu, regardant, la tête aux deux portières, d’un mouvement farouche de bête qu’on tient enfermée, par quel chemin, dans quel lieu ignoré, redoutable, on le menait ainsi. Brusquement, comme le coupé débouchait devant la gare Saint-Lazare, après avoir suivi