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elle emmenait sa jeune amie, et, lorsque Mathieu les avait surprises, sortant de chez Sarraille, elles venaient de tout y régler définitivement, pour le lendemain. Le soir même, quand elle rentra chez la baronne qui l’hébergeait, en attendant, Reine écrivit à son père une lettre très tendre, pleine de gais détails, qui devait être jetée à la poste, par une personne complaisante, là-bas, dans le village lointain, près du château.

Le surlendemain, comme il l’avait promis, Mathieu vint donc déjeuner chez Morange, dans son appartement du boulevard de Grenelle. Il le trouva d’une gaieté heureuse d’enfant.

« Ah ! vous êtes exact, et vous allez attendre un peu, car la bonne s’est mise en retard, pour sa mayonnaise… Entrez dans le salon. »

C’était toujours le même salon, avec son papier gris perle, à fleurs d’or, avec son meuble Louis XIV laqué blanc, son piano de palissandre noir, où il se souvenait d’avoir été reçu par Valérie, il y avait déjà bien des années. Tout s’y usait sous la poussière, on y sentait l’abandon d’une pièce inutilisée, dans laquelle on n’entrait presque jamais.

« Sans doute, expliqua Morange, l’appartement est trop grand pour nous deux. Mais cela m’aurait fait saigner le cœur de le quitter. Et puis, nous y avons nos petites habitudes… Reine vit dans sa chambre. Venez voir comme c’est gentil, comme elle a tout bien arrangé. Je veux vous montrer deux vases dont je lui ai fait cadeau. »

La chambre, bleu pâle, meublée de pitchpin verni, n’avait pas changé non plus. Les deux vases, de cristal émaillé, étaient fort beaux. Il y avait d’ailleurs là une profusion extraordinaire de gentilles choses, les dons de toutes sortes, les surprises dont le père comblait sa fille. Et il y marchait sur la pointe des pieds comme dans un lieu sacré, il y parlait bas, avec un sourire béat de dévot,