Page:Zola - Fécondité.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui l’emmena par les allées du Bois, par les spectacles permis aux jeunes filles, simplement amusée d’abord de la mine ravie de cette enfant, en qui elle sentait gronder un peu de l’ardeur à jouir dont elle brûlait elle-même. Puis, il advint ensuite, lorsque la petite grandit, devint femme, que la baronne, sans avoir fait le noir complot de la pervertir, la conduisit à des fêtes plus coupables, dans des théâtres moins innocents, qui achevèrent de lui tout apprendre. Alors, la chute s’acheva rapide, une intimité de plus en plus étroite, un oubli de leur différence d’âge, des confidences d’une liberté si grande, qu’elles en arrivèrent à ne se rien cacher. Acquises toutes deux à la religion du plaisir, elles s’étaient rencontrées dans un même culte passionné. Aussi l’aînée, n’ayant désormais d’autres scrupules, ne donnait-elle plus à la cadette que les conseils de son expérience, fuir le scandale, garder sa situation mondaine intacte, ne jamais avouer sa vie, éviter surtout l’enfant, qui est le pire des aveux, le malheur irréparable. Et, en effet, pendant près d’une année, la jeune fille vint souvent prendre le thé, de cinq à sept, chez son amie, dans l’appartement discret de la rue de Marignan, où elle rencontrait des hommes aimables, sans que l’accident si redouté se produisît, tellement elle était déjà savante à ne donner d’elle que ce qu’elle en devait donner, pour l’amusement d’une heure, en se garant des suites.

Mais l’inévitable était en marche. Un jour, Reine eut la conviction qu’elle se trouvait enceinte. Comment le désastre avait-il pu se faire’ ? Elle-même n’aurait su le dire, stupéfaite de ce moment d’oubli, ne se souvenant plus, dans son épouvante du lendemain. Elle vit son père, son père qui l’adorait, écrasé sous cette abomination, sanglotant, mourant. Aucune réparation n’était possible, l’homme avait déjà femme et enfants, un haut fonctionnaire qui fréquentait les maisons closes ; et, d’ailleurs,