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âme, pas un bruit. Il se retirait sans comprendre, lorsque la vue, sur une porte, d’une plaque de cuivre portant ces mots : Clinique du docteur Sarraille, l’éclaira d’une soudaine lumière. Il se rappela l’élève de Gaude, cette face épaisse au mufle bovine, il se souvint surtout des quelques mots du docteur Boutan, qui connaissait le personnage. Alors quoi ? peut-être une maladie qu’on cachait, peut-être une consultation prise en grand mystère ? Et il s’éloigna, frissonnant, ne voulant pas aller jusqu’au bout de ses soupçons, tout d’un coup frappé par une terrifiante ressemblance, la même nausée, ici, passage Tivoli, chez Sarraille, que, là-bas, rue du Rocher, chez la Rouche, la même allée puante, la même cour gluante, le même antre de honte et de crime. Ah ! qu’il faisait bon, par ce chaud soleil d’août, dans les larges avenues de Paris en travail, tout à sa besogne de vie !

C’était une histoire logique, aux conséquences inévitables. Reine, élevée dans le désir de l’argent, dans la passion du plaisir, avait grandi pour une vie de luxe dont le continuel ajournement exaspérait ses appétits de jolie fille. Lorsque sa mère était là, elle ne l’entendait rêver que de toilettes, de voitures, de fêtes continuelles, et, plus tard, restée seule avec son père, elle avait continué à se nourrir des mêmes ambitions. Le pis fut alors qu’elle cessa d’être surveillée, passant les journées entières seule en compagne d’une bonne, s’ennuyant vite de la musique et de la lecture, voyant sur son balcon, à regarder si le prince rêvé ne venait pas, chargé d’or, la tirer de sa médiocrité, l’emmener pour la royale existence d’amusement sans fin, que ses parents lui avaient formellement promise. Rien autre n’existait, elle exigeait que le rêve se réalisât, les sens éveillés par une puberté précoce, d’une chair ardente, prompte à la sensation, dont ses longues heures d’attente oisive aiguillonnaient les curiosités. Et ce fut seulement Sérafine qui vint la chercher,