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peine, de se marier sans que je le lui permette. Et elle sait que le moment n’est pas venu, que j’en mourrais cette fois, si je ne réalisais pas mon rêve, tout le bonheur que je m’étais promis avec ma pauvre femme, tout le bonheur que ma chère fille me donnera… Puis, si vous saviez, comme nous sommes heureux, dans notre petit coin ! Sans doute, je la laisse seule la journée entière, mais il faut voir notre joie, lorsque nous nous retrouvons le soir ! Elle est d’une telle innocence, elle n’a pas besoin de se marier encore, puisque rien n’est prêt et que rien ne presse. »

Il souriait de nouveau, il reprit :

« Voyons, vous allez venir déjeuner chez moi… Nous causerons d’elle, je vous dirai mes petits secrets, ce que je rêve et ce que je prépare ; et puis, je vous montrerai sa dernière photographie, qui ne date pas de huit jours. Ça sera si gentil, de me tenir compagnie, pendant qu’elle n’est pas là, de déjeuner tous les deux en garçons ! Nous mettrons un bouquet à sa place… Hein ? c’est entendu, je vous attends à midi. »

Mathieu ne put lui faire ce grand plaisir.

« Non, c’est impossible, j’ai trop de courses, ce matin… Mais, tenez ! après-demain, je suis forcé de revenir à Paris. Si ce jour vous va, je vous promets de déjeuner avec vous. »

Ce fut convenu, ils se serrèrent la main gaiement, et Mathieu reprit ses courses, déjeuna dans un petit restaurant de l’avenue de Clichy, où une affaire l’avait attardé. Puis, comme il descendait par la rue d’Amsterdam, pour se rendre chez un banquier de la rue Caumartin, il eut l’idée, quand il fut arrivé au carrefour de la rue de Londres, de raccourcir, en prenant le passage Tivoli, qui débouche sur la rue Saint-Lazare, par un double porche, dont les arches étranglées coupent pour ainsi dire toute circulation aux voitures. Aussi le passage est-il peu