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faisait une divinité inaccessible, devant laquelle il restait à genoux.

« Si vous étiez gentil, reprit-il, vous viendriez déjeuner avec moi… Vous ne savez pas que je suis veuf, depuis hier soir.

— Comment veuf ?

— Mais oui, Reine est pour trois semaines dans un château du Loiret. C’est la baronne de Lowicz qui m’a supplié de la lui laisser emmener chez des amis. Et, ma foi ! j’ai fini par céder, en voyant l’envie folle que la chère enfant avait de courir en pleins champs, en pleins bois. Elle que je n’ai jamais menée plus loin que Versailles, songez donc !… Tout de même, j’avais bien envie de refuser. »

Mathieu s’était mis à sourire.

« Oh ! résister à un désir de votre fille, vous en étiez incapable ! » Et c’était vrai. De même que Valérie, autrefois, régnait en souveraine absolue dans le ménage, Reine était redevenue la volonté toute-puissante à laquelle il obéissait. Désemparé, à la mort de sa femme, éperdu et sans guide, la grande raison de la paix, de la santé qu’il avait retrouvées, était certainement qu’une compagne adorée le dominait, le dirigeait de nouveau, l’occupait du désir unique de se soumettre et de lui plaire. Aussi ne vivait-il plus que pour elle.

« Elle va vous revenir mariée », reprit Mathieu avec quelque malice, car il n’ignorait pas les sentiments du père.

Alors, Morange s’assombrit, devint nerveux.

« J’espère bien que non, j’ai fait mes recommandations à la baronne. Reine est encore une enfant, et elle n’a pas la fortune que je veux lui donner, pour qu’elle trouve l’homme digne d’elle. J’y travaille, on verra un jour… Non, non ! elle m’aime trop, elle ne me fera pas cette