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toujours et partout. Pour le moindre bobo, pour la moindre tare soupçonnée, on coupe, quitte à jeter l’organe sain au baquet, si l’on s’est trompé. Souvent, la femme n’est pas prévenue, ni le mari, ni la famille et elle n’apprend ce qu’on a fait d’elle qu’en lisant la feuille d’observations. Baste ! ça n’a pas d’importance, une femme de moins, une épouse et une mère de moins !… Et vous savez où nous en sommes. Dans les hôpitaux, on en châtre de deux à trois mille par an. Le chiffre est au moins du double dans les cliniques particulières, où il n’y a ni témoins gênants, ni contrôle d’aucune sorte. Rien qu’à Paris, depuis quinze ans, le nombre des opérations a dû être de trente à quarante mille. Enfin on estime à cinq cent mille, à un demi-million les femmes de France dont on a fauché, arraché la fleur de maternité, comme une herbe mauvaise… Un demi-million, grand Dieu ! un demi-million d’inutiles et de monstres ! »

Il avait jeté ces chiffres, dans un grand cri de colère, et il conclut avec un mépris douloureux :

« Le pis est qu’il n’y a, là-dedans, que mensonge, duperie et vol. Elles sont menteuses, leurs statistiques, celles qu’ils publient à leur gloire. Elles dupent les clientes du lendemain, elles les volent, en ne réalisant presque jamais les espérances qu’elles ont données. Toute cette mode de la castration est ainsi basée sur une vaste tromperie, car il ne s’agit pas de savoir si l’opération réussit en elle-même, il faudrait suivre ensuite les opérées, étudier ce qu’elles deviennent, quels sont les résultats définitifs, aux points de vue individuels et sociaux. Et quels terribles mécomptes alors, dans quels enfers on tombe, effroyables de douleurs, de déchéances et de désastres ! On ne guérit pas un organe en supprimant une fonction, on fait des monstres, je le répète, et les monstres sont la négation de toute santé de tout bonheur. Au bout, il n’y a