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alcôve ouverte à la rue, le débordement et le néant de ses voluptés.

Un matin que Mathieu déjeuna chez Boutan, ils en causèrent. Le docteur était au courant, très renseigné sur toutes ces pratiques. Il en parla d’une voix désolée, qui peu à peu s’irritait.

« Gaude, lui encore, est un chirurgien de premier ordre, et je veux croire qu’il cède à l’unique passion de son art. Mais si vous saviez les pratiques courantes où en arrivent les autres, ceux qui s’autorisent de son exemple, et quel effroyable mal ils sont en train de faire à la patrie, à l’humanité !… Châtrer ainsi une femme est simplement un crime, lorsqu’il n’y a pas nécessité absolue. Il faut qu’il y ait danger de mort, il faut que toute intervention médicale soit reconnue insuffisante. Sur vingt femmes qu’on opère aujourd’hui, quinze au moins pourraient être guéries par des soins intelligents. Ainsi, voyez ces deux cas, les deux filles Moineaud : j’ai soigné Euphrasie, elle ne souffrait certainement que d’une inflammation chronique, fort douloureuse il est vrai, mais qu’un traitement sévère aurait guérie ; et quant à Cécile, que j’ai eue aussi entre les mains, elle est sujette à de graves accidents nerveux elle devait être atteinte de névralgies intenses. Opérer des chlorotiques, opérer des nerveuses, c’est insensé, c’est digne du cabanon et du bagne ! Ils en sont bien venus, m’a-t-on dit, à essayer de la castration sur les folles furieuses, pour les calmer… Que voulez-vous ? c’est la démence du jour, démence qui s’accommode, j’imagine, avec l’appétit des gros honoraires. Du haut en bas, du grand au petit, on bat monnaie avec cette affreuse industrie qui fait des infécondes. Voilà une femme mariée qu’on éventre, dont on arrache la grappe de vie, en pleine ponte. Voilà une vierge mutilée, chez qui on supprime la maternité en bouton, avant même qu’elle ait fleuri. On coupe, on coupe, on coupe