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Comme il s’éloignait, continuant à faire le tour de la salle, après un dernier salut, il tendit la main à son modeste et correct confrère Mainfroy, serra la sienne d’une façon énergique ; et l’affaire fut conclue. Cécile pleurait toujours, la face enfoncée dans ses cheveux. Elle ne répondait plus, n’entendait plus. Il fallut la laisser.

« Alors, vous êtes décidée, je le vois, dit Mathieu à Sérafine, en sortant avec elle. C’est bien grave.

— Que voulez-vous ? je souffre trop, répondit-elle tranquillement. Et puis, je ne vis plus avec cette idée, il faut en finir. »

Sérafine, quinze jours plus tard, fut opérée dans une maison hospitalière, tenue par des religieuses, rue de Lille. C’était une sorte de couvent, entouré de jardins, où Gaude, au milieu d’une paix filiale de cloître, châtrait celles qu’il appelait « ses grandes dames ». Il ne se fit aider que de Sarraille, dont le mufle bovin, la tête dans les épaules, aux quelques rares poils de barbe, aux raides cheveux collés sur les tempes, n’était guère aimé des femmes ; mais il savait avoir en lui un chien fidèle, un garçon d’énergie, révolté par l’antipathie qu’il inspirait, déjà résolu à toutes les besognes dans son besoin furieux de prompte réussite. Et, naturellement, l’opération fut merveilleuse, un miracle de légèreté adroite, l’organe enlevé, envolé, disparu, comme entre les mains subtiles d’un escamoteur. Et, n’étant pas malade, solide, en pleine force, Sérafine la supporta d’une admirable façon, eut une rapide convalescence, reparut dans le monde triomphante, éclatante de santé, ainsi qu’au retour d’une cure sur les Alpes ou sur les bords de la mer bleue. Mathieu, qui la revit alors, fut confondu de son insolente joie, une telle flambée de désirs exaspérés, que son visage doré en brûlait, une telle impudence de victoire à être enfin inféconde, à pouvoir se donner, se rassasier sans crainte, que ses yeux toujours en quête disaient ses nuits, son