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que l’assistance aurait volontiers applaudi. Et, tout à l’heure, elle me disait qu’elle n’avait plus ressenti aucune douleur.

— Alors, pourquoi pleure-t-elle si fort ? »

Un instant, il se tut. Puis, avec une pitié attendrie :

« On vient seulement de lui apprendre que, si elle se marie, elle n’aura jamais d’enfant. »

Stupéfaite, Sérafine regarda la chétive fille, aux chairs si pauvres.

« Comment c’est pour ca ! Elle regrette ça ! »

Mathieu s’était tourné vers elle, les yeux dans les siens, très grave, en la voyant qui retenait un rire ironique.

« Oui, il paraît… Il paraît qu’il y a des filles misérables, malades et sans le sou, à qui l’idée de ne jamais avoir d’enfant fait de la peine. »

Sérafine s’était approchée du lit, et elle voulut calmer ce grand chagrin, la tirer de ses larmes, pour la questionner un peu. La jeune fille finit par répondre, dégageant de ses pâles cheveux son visage meurtri, s’efforçant de renfoncer ses sanglots.

« Vous ne souffrez plus, ma chère petite ?

— Non, madame, plus du tout.

— Mais vous avez beaucoup souffert, pendant qu’on vous opérait ?

— Non, madame, je ne puis pas dire, je ne sais pas.

Et elle se remit à sangloter, à sangloter plus fort, éperdument. Cette idée de l’opération lui rappelait qu’on lui avait tout enlevé, qu’elle n’aurait jamais d’enfant, jamais, jamais ! Elle n’ignorait rien de l’amour, ni de la maternité, une fille de la rue, restée vierge au travers des souillures voisines. Et, chez cette vierge, ainsi tranchée dans sa fleur, clamait la désolation de la mère, un cri instinctif de furieux désespoir, qu’elle ne savait même pas en elle, qui s’exhalait si longuement, sans que ce fleuve de larmes le pût apaiser.