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risquer, librement en regardant Bénard de son air de tranquille impudeur.

« Les maris, ça consent encore à ne pas avoir d’enfant, mais ça se dérange, dès que ça ne trouve pas l’amusement chez soi, et quand une femme ne peut plus, c’est le pire malheur qui puisse arriver dans un ménage. »

Le maçon comprit et s’égaya, éclatant d’un gros rire.

« Oh ! madame, quant à ça, je n’ai pas à me plaindre. Si je l’écoutais, depuis qu’ils me l’ont rendue, on ne s’arrêterait pas d’en prendre, de l’amusement ! »

Honteuse, furieuse, Euphrasie de nouveau le fit taire, en femme honnête, qui n’aimait pas les vilains mots. Et Sérafine, très égayée, elle aussi, ravie du renseignement, sachant enfin ce qu’elle désirait tant savoir, allait quitter sa chaise, lorsque la Moineaude, muette et endormie jusque-là, comme restée en arrière des choses qu’on disait, se mit à lâcher un flot de paroles lentes, interminables.

« C’est bien vrai, ta pauvre bête de maman s’en est laissé faire une séquelle d’enfants. Et ce n’est pas ça qu’elle regrette, puisque ça faisait plaisir à son homme. Mais tout de même, ni lui ni elle n’en sont guère récompensés. Le voilà, lui, qui s’éreinte toujours à l’usine, où il reste seul à travailler, depuis que Victor est parti soldat, pour crever peut-être dans quelque coin, comme notre Eugène. De nos trois garçons, il n’y a plus à la maison que le dernier, ce mauvais garnement d’Alfred qui manque l’école tant qu’il peut, dans la rue du matin au soir, plus vicieux à sept ans qu’on ne l’était à quinze autrefois. C’est comme de nos quatre filles, je n’ai plus qu’Irma, trop jeune encore pour être mariée, et que je tremble de voir mal tourner un jour, tant elle aime peu le travail. Toi, tu as failli mourir. Maintenant, voilà Cécile qui vient d’entrer à l’hôpital. Et quant à cette malheureuse Norine… »