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son tablier de son air effacé et dolent, très vieillie depuis ces années dernières.

« Oui, expliqua Sérafine, j’ai su votre guérison, j’ai voulu vous en féliciter d’abord, me souvenant de vous avoir connue à l’usine toute jeune ; et puis, comme j’ai une amie dans votre cas, là curiosité m’est venue de vous questionner un peu. »

Les pauvres gens s’effaraient de cette visite inattendue. Ils connaissaient la baronne, des histoires avaient couru, parmi les ouvriers de l’usine, sur ses richesses fabuleuses et sa vie extraordinaire. Pourtant, lorsqu’elle eut daigné prendre une chaise, le maçon se remit à table, pour achever sa soupe ; pendant que la Moineaude, assise elle aussi de nouveau, retombait dans son silence hébété.

« Mon Dieu ! madame, raconta Euphrasie, toujours debout appuyée sur son balai, il est certain que ça ne s’est pas trop mal passé. Moi, je ne voulais pas aller à l’hôpital, parce que le docteur Boutan, qui nous a souvent soignés pour rien, m’avait dit, après m’avoir visitée, que je pouvais très bien me guérir chez moi avec beaucoup de patience et de précautions. Seulement, sans compter que j’aurais dû être toujours après ma personne, il me recommandait surtout de ne rien faire ; et comment voulez-vous qu’on ne fasse rien, quand on a mari et enfants ? De sorte qu’un beau jour, souffrant davantage, je me suis décidée.

— Et l’opération a eu lieu tout de suite ? demanda Sérafine.

— Oh ! non, non, madame, il n’en était pas même question, alors. La première fois qu’on a dit le mot, je me suis fâchée, j’ai voulu partir, dans l’idée qu’on allait m’estropier et que mon mari se dégoûterait de moi. Ça faisait rire ces messieurs, si bien qu’ils ont fini par me déclarer que, si je préférais mourir, c’était mon affaire. Pendant huit jours encore, ils m’ont laissée comme ça,