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il ainsi, elle si dure aux mâles, les pourchassant pour les user, puis les jeter au tas commun ? Elle se fit fraternelle, goûta un plaisir inconnu à tout avouer, en se plaignant.

« Je ne suis plus si heureuse qu’on le croit, mon bon ami, je vis à présent dans des craintes continuelles… Oui, vous ne l’avez pas su, personne ne l’a su, j’ai failli avoir un enfant. La chance a voulu qu’une fausse couche m’en débarrassât, à trois mois. Mais me voilà sous la menace d’être reprise, d’un jour à l’autre… Et, sans doute, vous qui êtes un sage, vous allez me dire de me remarier, d’avoir des enfants. Seulement, que voulez-vous ? ce n’est point mon affaire, je ne suis qu’une amoureuse, et même une amoureuse un peu exigeante, je puis bien vous l’avouer, à vous qui ne l’ignorez pas. »

Malgré sa mélancolie, son petit rire inquiétant sonna, tandis que ses yeux s’étaient remis à flamber, dans l’impudence passionnée de sa face rousse, aux cheveux fous, couleur de flamme. La vérité était que son besoin exaspéré de l’acte grandissait, à mesure que venait l’âge. Elle avouait orgueilleusement ses trente-cinq ans, d’une beauté insolente encore, avec des épaules et une gorge de marbre, sans une flétrissure. Elle prétendait même n’en être que plus jeune, plus ardente, plus affamée, et son ennui n’était pas de vieillir, elle ne souffrait que de ne pas savoir comment se contenter, librement, sans courir le risque désastreux des suites. Jusqu’à ce jour, avec une maîtrise incomparable, elle avait réussi à conserver intacte sa situation mondaine de veuve riche, reçue partout, libre de changer d’amants tous les mois, de les choisir par paires et même à la demi-douzaine, pourvu qu’elle les gardât ignorés, dans le mystère de son rez-de-chaussée si hermétiquement clos de la rue de Marignan, sans les afficher jamais. On chuchotait que, certains soirs de folie érotique, elle prenait, comme les