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trop de poitrine déjà, mais des épaules admirables, dont Morange se montrait orgueilleux, lorsqu’elle se décolletait. Reine, alors âgée de douze ans, était le portrait frappant de sa mère, le même visage souriant, plus allongé, sous les mêmes bandeaux noirs.

— Ah ! que vous êtes gentil d’avoir accepté notre invitation ! disait gaiement Valérie en serrant les deux mains de Mathieu. Et quel dommage que madame Froment n’ait pas pu venir avec vous !… Reine, débarrasse donc monsieur de son chapeau.

Puis, tout de suite :

— Vous voyez, nous avons une antichambre très claire… Alors, écoutez, pendant qu’on met les œufs à l’eau bouillante, voulez-vous visiter l’appartement ? Ce sera une chose faite, vous saurez au moins où vous déjeunez.

Cela était dit d’un air si agréable, et Morange lui-même riait avec tant de bonhomie, que Mathieu se prêta volontiers à cet innocent étalage de vanité. D’abord, le salon, la pièce qui faisait l’angle de la maison, tapissée d’un papier gris perle à fleurs d’or, meublée d’un meuble Louis XIV laqué blanc, fabriqué à la grosse, parmi lequel le piano de palissandre mettait une lourde tache noire. Puis, sur le boulevard de Grenelle, la chambre de Reine, bleu pâle, avec tout un ameublement de fillette en pitchpin verni. La chambre du ménage, fort petite, se trouvait à l’autre bout de l’appartement, séparée du salon par la salle à manger, décorée de tentures jaunes, encombrée d’un lit, d’une armoire à glace et d’une toilette en thuya. Enfin, le classique vieux chêne triomphait dans la salle à manger, où une suspension très dorée, au-dessus du couvert étincelant de blancheur, éclatait comme un coup de feu.

— Mais c’est ravissant ! répétait Mathieu, pour être poli. Mais c’est une merveille !

Le père, la mère, la fille, exaltés, ne cessaient de le