Page:Zola - Fécondité.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

son éternel cigare et Constance le prit à témoin.

« Vous avez de la chance, car tu te souviens, mon ami, de la vie que Maurice nous a faite, lorsque la nourrice s’en est allée. De trois nuits, on n’a pas pu dormir. Je crois bien, Dieu me pardonne ! que c’est une des raisons pour lesquelles je n’aurais jamais voulu avoir un second enfant. »

Elle riait, et Beauchêne s’écria :

« Tiens ! regarde-le donc jouer, ton Maurice, et puis tu viendras me dire encore qu’il est malade !

— Mais je ne dis plus ça, mon ami, il va très bien à présent. Et, d’ailleurs, je n’ai jamais été inquiète, je sais qu’il est très fort. »

Dans le jardin, au travers des allées et même des plates-bandes, une grande partie s’était engagée, entre les huit enfants qui se trouvaient là. Il y avait les quatre de la maison, Blaise, Denis Ambroise et Rose. puis, Gaston et Lucie, le petit garçon et la fillette des Séguin qui s’étaient dispensés d’amener Andrée, leur dernière ; puis, Reine et Maurice. Et ce dernier, en effet, semblait maintenant d’aplomb sur ses jambes, l’air toujours un peu pâle malgré sa face carrée, à l’épaisse mâchoire. Sa mère le regardait courir, si heureuse, si vaniteuse de son rêve réalisé, qu’elle en devenait aimable, même pour ces petits parents dont l’installation à la campagne semblait une déchéance incompréhensible, qui les rayait à jamais de son monde. Ils n’étaient plus.

« Ah ! dame reprit Beauchêne, je n’en fais pas souvent, mais quand j’en fais, ils sont bâtis comme ça, n’est-ce pas, Mathieu ? »

Tout de suite, il dut regretter cette plaisanterie, il eut un léger frisson des paupières, un petit froid qui lui glaça les joues, lorsqu’il rencontra le regard de son ancien dessinateur fixé sur le sien, un regard clair où il venait