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les veines d’une telle passion, qu’il se pencha vers sa femme, émue de l’entendre parler ainsi, pour la baiser ardemment sur les lèvres. C’était le divin désir qui passait en un vent de flamme. Mais, défaillante elle-même, les yeux brûlants elle eut pourtant la force de l’arrêter, avec un léger rire de gronderie, en disant :

« Chut ! chut ! Tu vas réveiller Gervais. Plus tard, quand il n’aura plus besoin de moi. »

Ils restèrent la main dans la main, à s’étreindre les doigts fortement, et leur silence fut délicieux. Le soir venait, la pièce s’emplissait d’une paix dernière, tandis que les enfants, à leur table de jeux poussaient des cris de ravissement, devant leur village terminé parmi des bouts de bois, qui figuraient des arbres. Et les yeux attendris des époux allaient au loin, par la fenêtre claire, jusqu’à la moisson endormie, là-bas, sous le cristal du givre, puis revenaient au berceau de leur dernier-né, où dormait aussi l’espérance.

De nouveau, il s’écoula deux grands mois, Gervais venait d’avoir un an, et de beaux jours précoces hâtaient le réveil de la terre. Un matin que Marianne et les enfants allèrent, comme promenade, retrouver Mathieu sur le plateau, ils s’exclamèrent, tellement les premiers soleils avaient, en une semaine, transformé le vaste champ, conquis sur les marécages. Il n’était plus qu’un immense velours vert, une nappe sans fin, drue et forte, roulant le blé en herbe, d’une délicatesse tendre d’émeraude. Jamais si miraculeuse récolte ne s’était indiquée. Aussi, dans la tiède et radieuse matinée d’avril, au milieu de cette campagne sortie enfin du sommeil de l’hiver, toute frémissante de sa jeunesse nouvelle, la famille s’égaya-t-elle de cette santé, de cette fécondité en marche, qui semblait devoir combler son espérance. Et leur ravissement grandit encore, lorsque, tout d’un coup, ils s’aperçurent que le petit Gervais, lui aussi, dégagé des premiers