Page:Zola - Fécondité.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas l’amour ! Même ces maris qui trompent leurs femmes n’aiment pas leurs maîtresses. Ils n’ont jamais brûlé du grand désir, du divin désir qui est l’âme du monde, le brasier d’éternelle existence. Et cela explique tout. Qui n’a pas le désir, qui n’a pas l’amour, est sans courage et sans force. On n’enfante, on ne crée que par l’amour. Comment veut-on que les hommes d’aujourd’hui trouvent la belle vaillance d’une famille nombreuse, s’ils n’ont pas l’amour qui accomplit sans lâche restriction sa mission de vie ? Ils mentent, ils fraudent, parce qu’ils n’aiment pas. Ils souffrent ensuite, ils tombent aux pires déchéances morales et physiques, parce qu’ils n’aiment pas. Au bout, il y a la douleur, il y a aussi cet effondrement d’une société pourrie, qui craque sous nos yeux chaque jour davantage… Voilà donc la vérité que je cherchais ! C’est le désir ; c’est l’amour qui sauvent. Qui aimera, qui enfantera, qui créera, est le sauveur révolutionnaire, le faiseur d’hommes pour le monde qui va naître. »

Jamais il n’avait si nettement compris que leur ménage, que sa femme et lui étaient autres. Cela le frappait, à cette minute, avec une évidence, un éclat extraordinaire ; et des comparaisons s’imposaient, et leur existence si simple, dégagée de l’âpre souci de l’argent, leur dédain du luxe, des vanités mondaines, toute leur action commune mise dans le travail, dans la vie acceptée, enfantée, glorifiée, toute cette façon d’être qui faisait leur joie et leur force ne jaillissait que de la source d’éternelle énergie, de l’amour dont le divin désir les embrasait. Si, plus tard, la victoire leur restait acquise, s’ils laissaient, un jour, des œuvres, de la santé, du bonheur, ce serait uniquement qu’ils auraient eu la puissance d’aimer, la bravoure de faire des hommes, cette famille pullulante, poussée d’eux comme une moisson, pour le soutien et la conquête. Et cette brusque certitude l’exalta, lui embrasa