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terrain pourri, où il ne pousse que des roseaux depuis des siècles ?

— Il faut attendre, répondit tranquillement Mathieu. Vous reviendrez voir cela en juin. »

Beauchêne les interrompit.

« Je crois qu’il y a un train à quatre heures. Dépêchons-nous, car nous serions désolés de le manquer, n’est-ce pas, Séguin ? »

Et il lui jeta un coup d’œil de complice gaillard, quelque partie qu’ils avaient dû décider ensemble, en maris qui entendent utiliser pleinement leur libre jour de chasse. Puis, quand ils eurent bu, réchauffés, remis d’aplomb, ils s’étonnèrent, ils se récrièrent.

« Mon bon ami, déclara Beauchêne, c’est stupéfiant que vous puissiez vivre dans cette solitude, en plein hiver. Il y a de quoi mourir. Je suis pour qu’on travaille ; seulement, après, que diable ! il faut bien qu’on s’amuse.

— Mais nous nous amusons beaucoup », dit Mathieu, en montrant d un geste toute cette cuisine rustique, où se resserrait leur bonne vie de famille.

Les deux hommes suivirent ce geste, regardèrent avec ébahissement les murs, garnis d’ustensiles, les meubles grossiers, la table sur laquelle les enfants continuaient leurs constructions, après avoir tendu leurs joues aux lèvres distraites des visiteurs. Sans doute les plaisirs qui pouvaient tenir là leur échappaient complètement, ils hochèrent la tête, en réprimant un rire goguenard. C’était vraiment, pour eux, une existence extraordinaire, d’un bien singulier goût.

« Venez voir mon petit Gervais, dit tendrement Marianne. Il dort, ne me le réveillez pas. »

Par politesse, tous deux se penchèrent sur le berceau, s’émerveillèrent qu’un enfant de dix mois pût être si fort. Il était aussi bien sage. Seulement, quand il allait se réveiller, il étourdirait tout le monde. Et puis, si un bel