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pas d’enfants maintenant, parce qu’il y a temps pour tout, n’est-ce pas ? On peut bien, à notre âge, jouir un peu du plaisir d’aimer… Seulement, dès que la sagesse viendra, vous allez voir. Il nous en faut quatre, deux garçons et deux filles. »

Son joli rire d’amoureuse s’éteignit dans un nouveau silence que traversa encore le léger souffle de la terre, ensommeillée déjà par l’immensité nue.

« Et, reprit Marianne, si vous aviez trop attendu, s’il était trop tard ? »

Stupéfaite, Mme Angelin la regarda. Puis, elle se remit à rire follement.

« Oh ! qu’est-ce que vous dites ? Nous autres ne pas avoir d’enfants !… Si vous saviez comme c’est drôle, cette idée ! »

Elle s’interrompit, prise d’embarras, confuse des choses qu’elle sous-entendait ; et elle ne balbutia plus que des mots de plaisir et de caresse, avec son roucoulement de tourterelle pâmée.

« Voyons, voyons ! mon chéri, c’est à toi de te défendre… Pas d’enfants, voyons !

— C’est comme si vous disiez, madame, cria plaisamment Angelin, aggravant les allusions galantes, qu’il ne poussera pas un épi de blé, dans ce champ que votre mari ensemence ! »

Les deux femmes s’égayèrent alors, un peu rougissantes et gênées. Et, à ce moment, suivi de ses deux hommes, Mathieu revenait, lançant toujours le bon grain, le confiant à la terre, du geste large qui semblait emplir l’horizon. Pendant des semaines, le grain allait dormir, tout à l’obscur travail du germe, à l’effort souterrain de vie qui s’épanouirait plus tard sous le soleil d’été. C’était le repos nécessaire, l’existence puisée au trésor commun, au lac immense des forces, qui baigne le sol de l’inépuisable source où s’alimente l’éternité des êtres. Et,