Page:Zola - Fécondité.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui est certainement morte du chagrin de n’avoir pas d’enfants. Elle avait épousé un solide gaillard de six pieds, elle-même était grande, forte, très belle, et je me souviens de son désespoir, lorsqu’elle rencontrait des petites femmes de rien du tout, comblées de famille… Le mari avait gagné une grosse fortune, le ménage possédait tout, argent, santé, affections nombreuses. Mais aucun de ces biens n’existait, je ne les ai connus que dans la peine, souhaitant uniquement la seule joie qu’ils n’avaient pas, des garçons, des filles, pour égayer leur triste maison vide… Et ce souci, ils l’avaient eu, dès le lendemain de leur mariage, étonnes d’abord de ne rien voir venir, puis de plus en plus inquiets, à mesure que se succédaient les années stériles, désespérés enfin, lorsque l’affreuse impuissance leur fut démontrée définitivement. Vous n’imaginez pas ce qu’ils ont tenté, les médecins, les eaux, les drogues, une lutte de plus de quinze années, sans repos, peu à peu honteux des efforts inutiles, se cachant comme d’une tare et d’une faute… Encore eurent-ils, dans leur malheur, la tendresse de ne pas s’accuser l’un l’autre, de vivre leur misère en pauvres êtres également frappés ; car on m’a parlé d’un autre ménage qui était devenu un enfer, ni l’homme ni la femme ne voulant accepter à son compte cette déchéance d’être infécond… Ah ! la chère et triste tante, je la revois toujours, si désolée, portant partout son deuil de mère, suffoquée de larmes, le jour de l’an, quand elle nous embrassait, nous les petites nièces. Elle s’est éteinte, consumée comme par un remords de toutes les heures, et je crois bien que son pauvre vieux mari va la suivre, tant il est seul et perdu désormais. »

Il y eut un silence, tandis qu’un grand frisson, très doux, passait par le vaste ciel gris de novembre.

« Mais, fit remarquer Marianne, je pensais que, vous-même, vous ne vouliez pas d’enfants.

— Moi, grand Dieu ! qui vous a dit cela ?… Je ne veux