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Les pioches des deux hommes sonnaient, la tranchée avançait rapidement dans le sol gras, bientôt l’eau coulerait jusqu’aux veines desséchées des sablonnières voisines, pour les féconder. Et le petit ruissellement du lait continuait avec son léger murmure de source inépuisable, infinie, coulant du sein de la mère dans la bouche de l’enfant, comme d’une fontaine d’éternelle vie. Il coulait toujours, il faisait de la chair, de la pensée, du travail et de la force. Il mêlerait bientôt son chuchotement au bruit de la source délivrée, lorsqu’elle descendrait, par les rigoles, vers les terres brûlantes ; et ce serait le même ruisseau, le même fleuve peu à peu débordant, portant la vie à toute la terre, le grand fleuve de lait nourricier coulant par les veines du monde, créant sans relâche, refaisant plus de jeunesse et plus de santé, à chaque nouveau printemps.

Puis, ce furent les semailles, au même endroit, quatre mois plus tard, dès que Mathieu et ses hommes eurent terminé les labours d’automne. Marianne se retrouva là, par une très douce journée grise, si douce, qu’elle put s’asseoir encore et donner gaiement le sein au petit Gervais. Il avait huit mois déjà, c’était tout un personnage. À vue d’œil, il grandissait un peu chaque jour, aux bras de sa mère, sur cette poitrine tiède où il buvait l’existence. Il n’en était point détaché, tel le grain qui tient au sol, tant que la plante ne l’a pas mûri. Et même, dans le premier frisson de novembre, à cette approche de l’hiver qui allait endormir les germes au fond des sillons, il enfouissait sa petite face frileuse dans la chaleur du corsage, il tétait plus silencieusement, comme si le fleuve de vie se fût perdu et amassé sous terre.

« Ah ! dit-elle en riant, monsieur n’a pas chaud, il est temps qu’il prenne ses quartiers d’hivernage. »

Son sac de semeur à la taille, Mathieu revenait vers eux, lançant le grain d’un grand geste rythmique, à toute