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menottes qui ne lâchaient pas ce qu’elles avaient empoigné, des yeux de lumière où passaient des rires et des larmes, surtout un bec d’oiseau gourmand, toujours ouvert, déchaînant une tempête, lorsque sa mère le faisait attendre.

« Oui, oui, je sais que tu es là… Allons, tiens ! ne nous étourdis pas davantage. »

Elle s’était dégrafée, lui avait donné le sein. Et l’on n’entendit plus qu’un ronron de petit chat heureux, tétant à perdre haleine, pétrissant la chair blanche, pour en avoir davantage. La source bienfaisante s’était remise à couler, comme intarissable. Le léger ruissellement du lait chuchotait, chuchotait sans fin ; et l’on aurait dit qu’on l’entendait descendre, s’épandre, tandis que Mathieu continuait à ouvrir la tranchée, aidé maintenant des deux hommes, robustes gaillards dont l’apprentissage était fait.

Il se releva, s’essuya le front, et, de son air de tranquille certitude :

« Ce n’est qu’un métier à savoir. Dans quelques mois, je ne serai plus qu’un paysan… Regarde ici, cette mare stagnante verdie de plantes d’eau. La source qui l’alimente, qui en fait une flaque boueuse, est là, dans cette touffe de grandes herbes. Et quand cette rigole sera ouverte, jusqu’au bord de la pente, là-bas tu verras la mare se tarir, la source jaillir et prendre son cours, portant au loin l’eau bienfaisante.

— Ah ! dit Marianne, qu’elle féconde donc toutes ces pierrailles car rien n’est plus triste que des terres mortes. Vont-elles être heureuses, de boire à leur soif et de revivre ! »

Elle s’interrompit brusquement, pour gronder Gervais, avec son beau rire.

« Dites donc, monsieur, si vous ne tiriez pas si fort ! Attendez que ça vienne, vous savez bien que tout est pour vous. »