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colère, ce qui aurait pu faire tourner son lait. À la moindre de ses coliques, la maison s’affolait. Une nuit, elle eut une indigestion, on courut sonner chez tous les médecins du quartier. Son seul défaut était d’être un peu voleuse, il lui arriva de ramasser le linge qui traînait, mais Madame ne voulut pas le savoir. Et il y avait aussi le chapitre des cadeaux dont on la comblait, afin qu’elle fût toujours contente. En dehors du cadeau réglementaire, à la première dent de l’enfant, on profita des moindres occasions, on lui donna une bague, une broche, des boucles d’oreilles. Naturellement, elle était la nourrice la plus ornée des Champs-Élysées, avec des pelisses superbes, des bonnets riches, garnis de longs rubans, dont l’éclat flambait au soleil. Jamais dame n’avait promené d’oisiveté plus somptueuse. Et il y eut aussi les cadeaux qu’elle tira pour son homme, pour sa fillette, là-bas, au village. Chaque semaine, des paquets étaient expédiés, par grande vitesse. Le matin où l’on apprit que le poupon, emporté par la Couteau, était mort d’un mauvais rhume, on lui donna cinquante francs, comme pour le lui payer. Enfin, on eut une dernière alerte, son mari étant venu la voir, car la terreur qu’elle ne s’oubliât dans quelque coin avec lui fut si grande, qu’on ne les laissa pas une minute seuls et qu’on le renvoya vite, les poches pleines. Après une chlorotique, après une ivrognesse, une nourrice engrossée, c’eût été le suprême désastre, d’autant plus que le cas était fréquent dans le quartier, et que chez la comtesse d’Espeuille, une voisine, la nourrice qu’on gardait à vue, était tombée enceinte, à la stupéfaction de tous, des œuvres sournoises du cocher de Madame. La Catiche s’en montrait indignée. Et, la petite Andrée allant de mieux en mieux, elle fut au sommet, elle acheva d’écraser la maison sous sa royauté tyrannique.

Le jour où Mathieu vint signer l’acte de vente, qui lui