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sa passion de tumulte et de plaisir. Et, comme Mathieu prenait enfin congé, il entendit Santerre triomphant, qui lui disait, en gardant un instant sa main dans la sienne :

« Alors, à demain ?

— Oui, oui, à demain ! » dit-elle, se donnant, sans défense désormais.

Huit jours plus tard, la Catiche était la reine indiscutée de la maison. Andrée avait repris quelques couleurs, elle pesait chaque jour davantage ; et, devant ce résultat, tous s’inclinaient, le pouvoir de la nourrice s’imposait, absolu. On redoutait à un tel point de la remplacer encore qu’on fermait d’avance les yeux sur les fautes possibles.

Elle était la troisième, une quatrième nourrice aurait tué l’enfant, ce qui faisait d’elle l’indispensable, la providentielle, celle qu’il fallait garder à tout prix. D’ailleurs, elle apparaissait sans défaut, elle était la paysanne calme et finaude, sachant gouverner les maîtres, tirant d’eux tout ce qu’on en pouvait tirer. Sa conquête chez les Séguin fut d’une adresse, d’une puissance extraordinaires. Au commencement, les choses faillirent se gâter, parce qu’elle se heurta contre un travail semblable, que Céleste menait aussi, avec une magistrale ampleur. Mais elles étaient femmes de trop d’intelligence pour ne pas finir par s’entendre. Leurs départements n’étant pas les mêmes, elles tombèrent d’accord qu’elles pouvaient conduire des envahissements parallèles. Et, dès lors, elles se soutinrent même, elles se partagèrent l’empire, et furent deux à manger la maison.

La Catiche trôna, les autres domestiques la servirent, les maîtres furent à ses pieds. On gardait pour la Catiche les meilleurs morceaux, elle avait son vin, son pain, tout ce qu’on trouvait de plus délicat, de plus nourrissant. Gourmande, fainéante, orgueilleuse, elle se prélassait les journées entières, pliant les gens et les choses à ses caprices. On lui cédait sur tout, pour ne pas la mettre en