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vague sourire, parmi ses larmes qui s’arrêtaient, murmurant très bas à son tour : « Oui, oui, je sais… Vous êtes bon, merci. Et vous avez raison je serais trop bête maintenant… Ah ! tout ce qu’on voudra, mais que je sois un peu heureuse ! »

Distinctement Mathieu la vit qui dégageait avec lenteur son poignet, après avoir serré elle-même la main de Santerre. C’était la consolation accueillie, le rendez-vous retardé jusque-là, accepté enfin pour un prochain jour. Et cela logiquement, dans le désastre passionnel où elle était, dans inévitable course à l’adultère de l’épouse débauchée par le mari, de la mère qui s’est refusée à son devoir de nourrice. Un cri d’Andrée, pourtant, la mit debout, frémissante, réveillée à la réalité de la situation. Si la pauvre créature était si chétive, mourante de n’avoir pas eu le lait de sa mère, celle-ci ne se trouvait également en danger de chute que par son refus de la nourrir, de la porter au sein, telle qu’un bouclier d’invincible défense. La vie, le salut l’une par l’autre, ou la commune perte. Sans doute, elle eut alors la nette conscience du péril, car une révolte encore la sépara de Santerre, elle courut prendre l’enfant, pour la calmer en la couvrant de caresses, pour se faire d’elle un rempart, contre la folie dernière qu’elle se sentait sur le point de commettre. Et quel malaise ! ses deux autres enfants, qui étaient là, regardant, écoutant ! Puis, lorsqu’elle s’aperçut que Mathieu, lui aussi, attendait toujours, elle fut reprise par les larmes, elle tâcha d’expliquer les choses, alla jusqu’à défendre son mari.

« Excusez-le, il y a des moments où il n’a pas sa tête… Mon Dieu ! que vais-je devenir, avec cette enfant ? Je ne puis pourtant pas la nourrir maintenant, c’est fini ! Est-ce affreux, d’être bouleversée au point de ne plus savoir ce qu’on doit faire !… Que vais-je devenir, mon Dieu ? »

Gêné, sentant bien qu’elle lui échappait, depuis qu’elle