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rigide et sage, Constance le saisit, lui baisa les cheveux.

— Non, non, mon chéri ! Tu vois bien que papa plaisante… Jamais, jamais, je te le jure !

Beauchêne accompagnait le docteur. Il continuait de plaisanter, heureux de vivre, content de lui et des autres, dans la certitude d’arranger l’existence au mieux de ses plaisirs et de ses intérêts.

— Au revoir, docteur. Sans rancune… Et puis, dites donc, quand on en veut un, il est toujours temps de refaire un enfant ?

— Pas toujours ! répondit Boutan, qui sortait.

Le mot tomba, net et tranchant, pareil à un coup de hache. Et la mère, qui avait pris l’enfant sur elle, le remit debout, en lui disant d’aller jouer.

Une heure plus tard, comme midi était sonné depuis quelques minutes, et que Mathieu, attardé dans les ateliers, remontait pour prendre Morange, ainsi qu’il le lui avait promis, il eut l’idée de raccourcir, en traversant l’atelier des femmes. Et là, dans la vaste salle, déjà vide, déserte et silencieuse, il tomba sur une scène inattendue, qui le stupéfia. Norine, restée la dernière sous un prétexte, se pâmait, la tête renversée, les yeux noyés, tandis que Beauchêne, qui l’avait saisie violemment, à bras-le-corps, lui écrasait les lèvres sous les siennes. C’était le mari fraudeur, le mâle affamé, et qui portait ailleurs la semence. Ils eurent un chuchotement, sans doute quelque rendez-vous donné. Puis, ils virent Mathieu, ils restèrent saisis. Et lui se sauva, fort ennuyé du secret qu’il venait de surprendre.