Page:Zola - Fécondité.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée

une voiture automobile, à moteur électrique, qu’il venait de faire construire, chèrement. Il s’était passionné pour ce sport récent des grandes vitesses, moins par goût personnel que par désir d’être toujours au premier rang des exaspérés de modes nouvelles. Aussi, un quart d’heure d’avance, était-il déjà dans la vaste salle emplie de bibelots qui lui servait de cabinet, vêtu d’un costume approprié, exécuté sur ses ordres, se composant d’une culotte et d’un veston de velours à côtes verdâtre, de souliers jaunes et d’un petit chapeau de cuir. Et il plaisanta Santerre, lorsque celui-ci se présenta en citadin, habillé d’un complet gris clair, du plus tendre effet.

Au lendemain des relevailles de Valentine, le romancier était redevenu l’intime, le commensal de la maison. Plus rien n’en gênait la gaieté, il ne s’y heurtait plus au malaise d’une femme gâtée par la grossesse, il y pouvait reprendre avec elle l’aimable roman interrompu, certain maintenant de vaincre. Et Valentine elle-même, sauvée de son affreuse peur de la mort, délivrée de cette maternité qu’elle regardait comme la pire des catastrophes, s’en était échappée avec un soulagement immense, un besoin de rattraper le temps perdu, en se rejetant follement dans les fêtes, dans le tourbillon extravagant de sa vie mondaine. De nouveau fine et jolie, ayant retrouvé la jeunesse un peu maigre de son air garçonnier, elle n’avait jamais eu un tel besoin d’étourdissement, de plus en plus poussée par l’impérieuse logique des faits à laisser les enfants aux soins des domestiques, à déserter chaque jour davantage sa maison, pour courir les champs de sa fantaisie, depuis surtout que son mari faisait de même, dans ses brusques accès de jalousie et de brutalité, qui éclataient à l’imprévu, sans cause, d’une façon imbécile. C’était le ménage définitivement détraqué, la famille détruite, menacée du suprême désastre, et Santerre y vivait à l’aise, en achevait la destruction, accepté naturellement par le