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naîtra. Autrement, la révolution est au bout, et de là viennent et s’aggravent à chaque heure les grondements, les craquements qui secouent la vieille société, dont l’échafaudage pourri s’effondre.

Mais Beauchêne, triomphant, se faisait d’esprit très large, reconnaissait la marche inquiétante de la dépopulation, dénonçait les causes, l’alcoolisme, le militarisme, la mortalité des nouveau-nés, d’autres encore, fort nombreuses. Puis, il indiquait les remèdes, des réductions d’impôts, des moyens fiscaux auxquels il ne croyait guère, la liberté testamentaire plus efficace, la révision de la loi sur le mariage, sans oublier la recherche de la paternité.

Boutan finit par l’interrompre.

— Toutes les mesures ne feront rien. Ce sont les mœurs qu’il s’agit de changer, et l’idée de morale, et l’idée de beauté. Si la France se dépeuple, c’est qu’elle le veut. Il faut donc, simplement, qu’elle ne le veuille plus. Mais quelle besogne, tout un monde à refaire !

Mathieu, gaiement, eut un cri superbe :

— Eh bien ! nous le referons, j’ai bien commencé, moi !

Constance, riant d’assez mauvaise grâce, répondit enfin à son invitation, en lui disant qu’elle serait heureuse de s’y rendre, mais qu’elle craignait de ne pouvoir disposer d’un dimanche pour aller à Janville. Avant de partir, Boutan vint donner une légère tape amicale sur la joue de Maurice, qui, après avoir sommeillé au bruit de la discussion, rouvrait ses lourdes paupières. Et Beauchêne eut une dernière plaisanterie :

— Alors, tu as entendu, Maurice, c’est une chose décidée… Maman ira demain au marché acheter le chou, et tu auras une petite sœur.

Mais l’enfant cria, se mit à pleurer.

— Non, non, je ne veux pas !

D’un mouvement passionné, dans sa froideur de femme